ÉPILOGUE
L e soleil plein le ciel
Nous avions grimpé les lacets d'une départementale étroite et dangereuse. Brusquement ce fut l'éblouissement. A un tournant près du col, le soleil nous attendait.
Il était majestueux dans son ciel presque blanc. Si beau, si proche, que je voulus le regarder dans les yeux. Je soutins son regard aigu par un effort de volonté immense. Je me disais que j'aurais bien accepté d'être aveugle pour avoir regardé le soleil, et je sentais qu'il aimait mon audace.
Dans le ciel opaque c'était une transparence.
Dans le ciel limité à des horizons matériels, c'était un point de l'infini.
Convergence de je ne sais quels mondes
où la lumière est le plus lent des éléments.
Dans le ciel immobile c'était une palpitation vitale, comme une danse nuptiale.
Il tournait sans un mouvement.
Il dansait sans changer de place.
Il vibrait d'une vie qui était la vie du monde. Sa vie était ma vie.
De lui partaient des nuages de lumière matérielle, aux couleurs changeantes.
Le rouge, l'orange, le jaune, le vert, le bleu, l'indigo, le violet se diluaient dans le ciel
et lui donnaient leur consistance.
La terre était couleur de sang ou de vin.
Les arbres noirs, comme à l'encre de Chine.
Je regardai dans tout le ciel, il n'y avait qu'un soleil.
Je regardai dans le soleil, il y avait plusieurs ciels, les uns au centre des autres.
Et plus on pénétrait dans le centre,
plus le ciel était vaste,
plus nombreuses les galaxies,
plus habités les mondes inconnus.
Je regardai le ciel, il n'y avait qu'un ciel, bleu, très pâle, presque blanc, presque soleil.
Ce n'était pas le soleil, mais il le contenait, et était tout tissé de la même substance.
Je regardai la terre, elle était rouge, couleur de sang ou de vin.
Rome 1969, Bruxelles 1970